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Autour de « Reine de coeur » d’Akira Mizubayashi

Akira Mizubayashi frappe fortement notre esprit, et le fait avec une écriture qui distille un arôme d’épines de rose, avec des paysages musicaux douloureux. Son récit est plein de pensées cruellement décapitées et qui se déversent comme flaques de sang anonyme, au rythme des trois timbales et des violoncelles, nous aidant à digérer les cadavres.


L’auteur comprit l’air irrespirable de Marseille à l’infini, mais ne lui permit pas d’éclater et l’amour s’étendit d’ouest en est à travers une géographie flagellant, et capricieusement inhumaine, transformée peu à peu en prison irrespirable et cruelle. Les eaux des mers et des continents se couvrirent de bruits ardents meurtriers, seulement atténués de temps en temps par la musique persistante de Chostakovitch et par quelques bribes épistolaires d’inspiration amoureuse et humaniste.

« Soudain, un rideau blanc tombe et lui voile les yeux. Il ne voit plus rien. S’ouvre alors en lui et au-dessus de lui une caverne où résonnent des sons multiples et graves venant de nulle part ou d’un ailleurs infiniment lointain : sur un fond de notes glissant en sourdine s’élèvent bientôt des cris d’oiseaux étouffés s’intensifiant pour céder à la fin à une succession de trois grondements sinistres. Puis, après un silence de quatre ou cinq secondes, se mettent à frémir des sons martelés. Mais ce martèlement obsédant fait place bientôt à une avalanche de sons sauvages ressemblant à des râles d’agonie émanant de la gueule ouverte d’un fauve mourant, une avalanche diluvienne de sons suraigus sur laquelle se détachent clairement d’innombrables et furieux coups de marteau en bois comme des battements de cœur qui ne cessent de s’accélérer jusqu’à la crise cardiaque fatale… ».

(Chap. 1).

Mais pour l’instant, Mizubayashi ne préparait pas de meilleurs plans pour l’avenir. La Reine de Cœur n’arrivait plus dans les domaines d’amour et son plus fervent soldat se consumait de plus en plus, luttant pour ne pas être englouti par la gueule d’un grand monstre oriental à l’abri d’une autorité divine ancestrale et impitoyable.
Les événements tragiques qui se succèdent sans fin tout au long du récit, font s’effondrer la vie quotidienne, coupant la vie de milliers de personnes et de leurs familles. Dès qu’Anna et Jun trouvèrent la mort, personne ne put mettre en contact ses familles afin de récupérer la mémoire. Une période d’oubli s’ouvra de l’orient à l’occident, et après un certain temps, le désintérêt s’empara d’une partie de son entourage. Il ne resta plus que la compassion et la nostalgie du passé.
Alors, arrivé à ce stade, comment s’en sortir ?
Si Akira était un vrai japonais, son récit aurait pu s’arrêter dans ce point. Et après, un peu de larmes, de lamentations, et une résignation impuissante auraient mis fin à cette triste histoire. Mais il y a longtemps nous apprîmes que notre auteur est japonais, oui, mais il l’est seulement à moitié, car il se considère de plus en plus une personne enthousiaste et passionnée de la culture française en tant qu’héritière de la pensée éclairée du XVIIIe siècle. En revanche, il désapprouve certaines traditions japonaises, la façon d’accepter l’immobilisme et un certain sens tragique de la vie.
C’est pour cela qu’il prit un engagement authentique envers lui-même et envers le pays qui le accueillit si bien et transforma depuis qu’il le découvrit dans sa jeunesse. Donc en raison de cette attitude, plus encouragée, plus transformatrice, il s’apprêta dans ce roman, non seulement à dénoncer les horreurs de la guerre et toutes leurs conséquences, mais à donner aussi un tournant radical à l’histoire.
Et voilà que notre Japonais francisé y utilise deux ressources fondamentales pour assurer la continuité de l’histoire.
La première ressource, qui est utilisée tout au long du roman, devient nécessaire pour connecter la débâcle avec la récupération de l’enthousiasme : il s’agit de la Huitième Symphonie de Chostakovitvh. Dans ce cas, son usage est pleinement justifié dans la mesure où son symbolisme, bien attesté par les intentions de l’auteur en composant la symphonie, représente avec une profusion de détails musicaux, la barbarie et la souffrance, présentes dans toutes les guerres.
Quant au second élément, il s’agit de l’emploi du hasard comme ressource stratégique littéraire. C’est lui qui entraîne réellement le tournant radical dans le développement du roman.
Mizubayashi décida de mettre la Huitième sur les cordes de l’alto de Mizuné, qui l’interpréta comme premier alto seul avec une émouvante virtuosité. Puis, dans l’autobus fit son apparition, par hasard, le personnage mystérieux, l’homme sexagénaire, qui changea le visage de tous les lecteurs peu de temps après. Dès lors, nous avons tous lu plus vite. On entrevoyait déjà un dénouement final certainement réparateur.
Il faut dire que l’emploi du hasard comme ressource, n’est pas bien vu dans certains milieux de critique littéraire, mais on dit aussi que de grands auteurs comme Dickens n’ont pas cessé de l’utiliser dans leurs romans et il était très commun dans la littérature du XIXe siècle. En tout cas, la clé est de l’utiliser discrètement, sans accorder trop d’importance à sa toile de fond. En ce sens, il semble qu’Akira l’emploie correctement.
À mon avis, une utilisation fugace et dissimulée du hasard entre d’autres éléments est la plus appropriée et, en tout cas, son usage est nécessaire dans la littérature de fiction.
La présence constante de la musique, accompagnant toujours la nature des faits représentant l’état d´âme qu’ils produisent, c’est aussi une ressource qui fait de ce roman une œuvre particulièrement intéressante, et qui nous rappelle de nombreux films où la musique classique était toujours présente. De toute façon, Mizubayashi semble y utiliser la musique à trois fins bien différentes. Nous avons déjà parlé de la première : il s’agit de représenter symboliquement les événements eux-mêmes. D’où la différence entre les évènements exprimés par la Huitième Symphonie de Chostakovitch par opposition à l’environnement dans lequel sonnait, par exemple, Salut d’Amour, d’Elgar. La deuxième fin joue un rôle humaniste, en contrepoint à la guerre. À ce sujet, rappelons-nous les paroles de Jun lorsqu’il exprimait le mépris de la musique dans l’armée japonaise, y considérée comme appartenant à des efféminés. Finalement, la musique aide à la cohérence et unité de caractère générationnel afin de mieux trouver les liens familiaux.

« Bigre ! crie le sergent-major d’une voix rocailleuse. Qu’est-ce que tu attends, espèce de poule mouillée ? Vas-y ! Dépêche-toi ! Montre-moi que tu es un vrai Japonais, un vrai soldat nippon ! J’espère que tu n’as pas perdu ton âme à cause de ta chère musique efféminée ! ». (

Chap. 1)

Donc, à partir de l’apparition de l’homme sexagénaire du bus, et de la rencontre qui s’ensuivit entre Mizuné et Oto, le style d’Akira dans le roman devient un baume d’espoir et de passion pour vivre et récupérer ce qui aurait pu être et ne fut pas, cédant la place à l’amour qui reste à construire par des nouvelles générations.

« Ils se contemplèrent sans mot dire ; puis ils s’embrassèrent. Le bras gauche de Mizuné enlaçait les épaules d’Oto qui, de son côté, serrait sa femme étroitement contre sa poitrine. Ils demeurèrent longtemps dans cette étreinte tendre et amoureuse. On voyait alors briller sur le frêle poignet de Mizuné la petite montre d’Anna comme une pépite d’or étincelant sur le fond d’un cours d’eau peu profond et transparent, rythmant et ponctuant encore et toujours la vie en train de se faire ».

(Chap. 38)

Carmelo López

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