Les écrivains sont vraiment des personnes privilégiées. Ils jouissent de la fortune de l’immortalité, celle que la mémoire de leurs lecteurs leur concède.
Souvent une espèce de complicité, de liaison invisible jaillit entre les « éleveurs des mots » et les « consommateurs des émotions » qui lisent leurs œuvres.
Et cette liaison continue au-delà même de l’essence matérielle des créateurs lorsque celle-ci est finie, suivant la dérive naturelle de tous les êtres humains.
Rien ne change alors entre cette amitié, tressée en temps d’intimité, surgie de ce monologue à deux qui croise sans cesse les pages d’un livre ouvert.
Ou peut-être oui, quelque chose arrive lors de cette disparition, car à partir de ce moment, les lecteurs, tous les lecteurs, deviennent les gardiens de cette mémoire, amplificateurs de ces mots orphelins.
C’est le cas d’Edmond Amran El Maleh qui, un autre quinze novembre, remplit sa valise de ses plus chers vécus et partit, nous laissant ses pensées, ses idées, sa mémoire, son regard, son art littéraire.
L’Atelier voudrait , une année après, lui rendre un petit hommage et profiter de cette occasion pour remémorer sa figure, et ainsi marcher et faire un nouveau petit pas de sa main sur son « Parcours immobile » récréé et offert pour nous tous.
À toujours, Edmond.
(…) qu’il caressait secrètement plaisir solitaire éleveur de mots c’est ça il l’avait consigné dans son cahier d’écolier de cette écriture qu’il avait toujours détéstée qui avait ce goût de l’échec : Le beau plumier la gomme le porte-plume des plumes sergent-major le taille-crayon des crayons de couleur le tablier noir l’ardoise et l’odeur de craie, cet équipement merveilleux retombait en objets sans vie un seul jour de classe puis l’asthme l’avait de nouveau confiné dans sa chambre, retranché du monde des autres enfants : il se souvenait ils venaient d’habiter la nouvelle maison Dar El Ghali une superbe maison à deux étages à Trab Sini, en dehors de la médine l’école française était juste à côté il n’était pas question qu’il aille à l’école de l’Alliance israélite le directeur ami de la famille avait fait la faveur de l’admettre un seul jour et elle s’était refermée devant lui il se souvenait vaguement il devait y avoir une fête de fin d’année par gentillesse on lui avait permis quand même d’y participer « Papillon de nuit veux-tu te marier ? sa mère sa tante lui avaient fabriqué des ailes bleues ajustées sur le dos une espèce de gilet en soie le corps du papillon une petite fille devait lui adresser cette demande en mariage un gilet de soie sur la peau ! (pag 53,54) « Parcours Immobile » Edmond Amran El Maleh
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[…] de l'article À la mémoire d’Edmond Amran El Maleh (Safi 30 mars 1917 – Rabat 15 novembre 2010) […]